Comme l’année dernière, je me suis rendue au Stratégies Summit en direct du Pavillon Gabriel à Paris pour décrypter les nouvelles tendances marquantes du secteur.
Cette 10ème édition qui porte sur « La nouvelle proximité des marques », a vivement retenu mon attention, par la qualité des témoignages qui constitue la vraie valeur ajoutée de cet événement du retail.
Ainsi on retrouve les grands thèmes qui sont clairement les nouvelles priorités des marques en cette sortie de crise : « Local, Omnicanal et Authenticité » au travers des retours d’expériences des marques invitées. L’Oréal, Accor ou Etam, pour ne pas les citer mais également au regard d’acteurs qui les accompagnent dans leurs stratégies digitales ; TF1 Media, 366 ou Criteo.
Cette vision à 360 degrés nous offre un bel éventail des stratégies et des innovations du marché.
Une matinée très inspirante
Inaugurée par Elise Ducret, Chief Marketing et Digital Officer au sein de l’Oréal, la conférence débute par le portrait du nouveau consommateur appelé aussi le consommateur « Post Covid ».
Les modèles de consommation ont changé, portés par les Millenials, et on observe des nouvelles tendances :
- Le souhait de consommer mieux. Typiquement, dans le secteur beauté, le phénomène de la Clean Beauty touche plus de 40% des Français. Et le mouvement ne s’arrête pas au produit. En effet, il englobe une communication simple, un message transparent et clair sans promesse.
- Une consommation facilitée et engagée, déployée grâce aux nouvelles technologies (interactions, conseils personnalisés) répondant à une attente d’une responsabilité augmentée (en d’autres termes, une responsabilité sociétale et environnementale ++)
- De l’humanisation ! Devant une augmentation des volumes de conversations (#Tik Tok), l’heure n’est plus au one to many mais au one to one ; tout est prétexte à converser, y compris les ressources humaines internes ; le employed vocacy est partout !
Un portrait achevé par une slide étonnante confrontant deux dimensions du comportement d’achat : le vouloir d’achat le pouvoir d’achat.
LOCAL – « le retour en force du local, à la fois plus écologique et plus raisonné pour nos besoins quotidiens »
Le premier thème du salon s’articule autour de 3 interventions passionnantes.
I. L’intégration de l’essor du local dans la stratégie par Antoine Dubois, directeur marketing & expérience Client Europe du sud, ACCOR
Le groupe ne représente pas moins de 40 marques différentes qui travaillent sur l’implémentation du local.
Pour mieux comprendre, Antoine Dubois rappelle comment l’univers de l’hôtellerie a été disrupté par l’arrivée de la plateforme Airbnb, qui a démontré en quelques années l’appétence des clients pour le lien et le local. La conclusion est simple et tranchée : il a fallu « repenser les choses. »
Le principal enjeu a été et est toujours : comment l’univers de l’hôtellerie est-il capable d’attirer les locaux ? Comment créer des lieux hybrides ? Des lieux de vie sur l’ensemble du réseau etc…
Ainsi la stratégie du groupe repose sur 2 grands piliers :
- L’authenticité, soit les moments, la création d’expériences, très ressentie sur les réseaux sociaux au passage. Une réflexion forte mais surtout menée marque par marque pour attirer les locaux.
- La responsabilité et la durabilité. Ce pilier concerne principalement le sourcing local des services de restauration proposés par les hôtels. Un énorme chantier autour de 9 engagements pour une alimentation saine et durable, précipité notamment par la crise du Covid. En effet, il a fallu inciter et encourager les fournisseurs à faire du local car en parallèle ACCOR développait une offre de staycation pour des clients en quête d’expérience authentiques.
A côté, l’arrivée des télé travailleurs a également poussé le groupe à remoduler les espaces de rez-de-chaussée en espaces de travail (de toute façon, la traditionnelle « Réception » n’est plus au goût du jour quand on peut faire son check-out au bar !), à transformer un lobby en espace d’événements, à construire des coffee shop ou encore des rooftops, à intégrer de nouveaux concepts de restauration…
En savoir plus sur le développement des WOJO SPOT.
Enfin, et on le retrouvera tout au long des interventions, pour accompagner ces transformations, il a fallu « changer le mindset des employés » dans la façon d’accueillir des locaux versus une clientèle de touristes étrangers. La stratégie RH est également challengée pour recruter des locaux et développer leur employabilité.
Pour conclure, l’implémentation du local commence à porter ses fruits : entre 7 et 40% des hôtels du groupe fonctionnent avec une clientèle locale.
Cerise sur le gâteau lorsque Antoine Dubois nous diffuse à l’écran le spot du dernier concept : GREET ou « les hôtels de la seconde chance » (notamment en deal avec Emmaus). A voir !
II. Une tendance durable par Stéphane Delaporte, directeur général, Régie 366
La présentation commence par un petit retour sur la naissance du « local » : des origines issues d’un sentiment d’abandon des régions, d’un fait structurel. Puis s’ajoute un décalage économique bien réel entre le centre urbain et les régions créant un sentiment de frustration.
73% des Français souhaitent que les gouvernements privilégient une politique de relance par les territoires et donnent les priorités au local.
A ce titre, le concept de « relocalisation » apparaît et touche tous les secteurs.
Le phénomène LOCAL MATTERS est même mondial. Il s’agit d’un mouvement sans frontières, de revendications territoriales « sublimé » par la crise. Considéré comme un enjeu majeur, au même titre que la RSE ou la parité Homme / Femme, il englobe les sujets de proximité.
Dès lors, et les marques l’ont bien saisi, il faut répondre à la demande de reconnaissance du local.
366, en tant que créateur de contenus, et donc plongé au cœur des campagnes publicitaires des marques, nous partage un tour d’horizon des termes en vogue « circuits courts, relocalisation ».
Stéphane Delaporte insiste : « le local impacte toute la société, la vie politique y compris la communication des marques. Des prises de position, des postures sont attendues et on peut noter que parfois les marques sont plus efficientes que les politiques. »
L’appropriation du « local » dans les campagnes publicitaires en est la preuve. Puissant vecteur de succès, elle offre de belles intentions d’achats allant parfois jusqu’à +30%.
III. Local et omnicanal, comment se réinvente le média TV par Dimitri Marcadé, directeur commercial Agences Indépendantes & développement commercial, TF1 PUB
Un témoignage côté média relatant l’impact de ces nouvelles tendances et les réponses aux nouvelles attentes des audiences.
En effet, on peut se demander comment le média roi (la TV) s’est réinventé pour continuer à proposer aux marques (les annonceurs) des offres publicitaires adaptées.
Très vite Dimitri Marcadé annonce la couleur : « la TV est un booster de ventes en ligne ». Agissant comme un driver ou un tremplin, la brandformance fait son show (comprendre contraction de branding + performance).
41 millions de cyberacheteurs aujourd’hui qui prouvent encore une fois que le consommateur a définitivement changé. Il cite un exemple d’omnicanalité : l’arrivée du QR Code dans les publicités télévisées notamment pour les pure players qui ne connaissent pas la TV et sa puissance de frappe.
FOCUS sur la publicité segmentée
TF1 PUB surfe sur l’innovation avec l’arrivée des spots publicitaires personnalisés. Concrètement, un annonceur local diffusera ses spots publicitaires à une clientèle tout autant locale.
Le potentiel est très fort avec 3,5 millions de foyers qui sont segmentables (utilisation d’une box). Un futur prometteur et une créativité sans limite grâce à la puissance du média TV et à la granularité rendue possible grâce au digital.
Pour pousser encore un peu plus, TF1 a signé un partenariat avec leboncoin Publicité qui lui permettra de de faire découvrir ces nouvelles offres aux annonceurs locaux. Un bel exemple de partenariat entre les deux groupes pour renforcer la stratégie de proximité.
OMNICANAL – « simplification du parcours d’achat, fluidité, nouveaux canaux… tous les chemins mènent au consommateur »
Entrons dans le deuxième thème soutenu par deux nouvelles interventions :
I. L’omnicanalité au coeur de l’entreprise par Benjamin Durant Servoingt, Chief Operating Officer, Groupe Etam.
Un témoignage sur l’implémentation de l’omnicanalité du groupe Etam présentant concrètement les ponts entre le digital et les magasins, et vice versa.
L’objectif du groupe est fixé : Offrir un parcours client unifié et fluide.
Historiquement, Etam distribue en magasin (plus de 1500 points de vente) puis lance son site e-commerce en 2000.
En introduction, plusieurs questions animent Benjamin Durant Servoingt : comment un groupe traditionnel peut mettre en place l’omnicanal ? Comment tenir l’équation économique entre retail et web lorsque les clientes sont de moins en moins nombreuses à venir en points de vente ? Quel est le rôle du magasin dans le monde de demain avec l’arrivée des DARK STORE, et comment s’intéresser ou pas à ce modèle ?…
Convaincu que le magasin et le digital s’enrichissent à travers un socle technologique qu’il faut bâtir, il nous livre une vision pointue de la stratégie omnicanale du groupe.
Dans un premier temps, pour booster la performance du digital grâce au magasin (précédemment nous avons vu qu’il était possible de booster le digital grâce à la TV !), il expose deux leviers stratégiques :
- Développer le ship from store qui permet de maximiser fortement la disponibilité des produits et d’accélérer les délais de livraison.
- S’appuyer sur le shopping conversationnel: les hôtesses de ventes deviennent des vecteurs CRM, des actrices du service client et assurent une partie des ventes à distance.
La performance de vente étant supérieure en magasin, Etam décide stratégiquement qu’il est essentiel de remettre le magasin dans le parcours client (en clair, forcer le point de contact en magasin). Certes mais pour amener les clientes web en magasin, il faut minimiser tous les points de friction spécifiques à la vente en point physique.
Alors on s’inspire cette fois des logiques du digital pour les implémenter au sein des magasins :
- On pense au QR Code en magasin directement sur les étiquettes « produits » pour permettre à la cliente de trouver des informations sur la fabrication ou des vidéos sur la marque.
- On repense les modes d’encaissement : se faire encaisser n’importe où dans le magasin voire en cabine.
- On agit sur les équipes de vente : hôtesse de vente augmentée, relance panier web en magasin !
Ici encore, le groupe doit mener un travail de fonds : faire évoluer les équipes de ventes qui ont vu arriver le digital comme un ennemi ; changer le mindset en accompagnant grâce des incentives e-commerce, des formations…
Finalement, c’est la démonstration d’une démarche vertueuse pour le digital et le magasin.
II. Web to store + store to web pour engendrer du réachat et de la fidélisation par Nicolas Rieul, Managing director France & Industy Relations Europe, Criteo
Un retour d’expérience d’une des plus grosses entreprises françaises de reciblage sur internet. Au vu des analyses menées par Criteo, opérant pour pas moins de 22 000 e-commerçants, on constate que le consommateur qui dépense le plus et qui est le plus fidèle – autrement dit le client que toutes les marques rêveraient d’avoir – est le consommateur omnishopper ! Sur une période de 90 jours, l’omnishopper consomme plus : 3,8 achats contre 2,2 pour le client magasin et 2,7 pour le client web.
Il convient alors de maximiser l’expérience omnicanale qui est la plus rentable.
A ce titre, et au cours de la démonstration, un conseil est donné aux marques par notre interlocuteur
- Identifier les clients
- Utiliser la first party data
Voici deux cas concrets que Criteo nous partage :
En web to store, Cyrillus a gagné +3 millions d’euros en 3 mois en menant une campagne pour connaître le magasin le plus proche de chez soi.
En store to web, Micromania a souhaité convertir ses clients au web notamment pendant la crise lorsque les points de vente étaient fermés. Grâce aux données recueillies par leur programme de fidélité, la campagne a pu porter ses fruits et amener les clients vers l’omnicanalité.
Rendez-vous l’année prochaine pour de nouvelle aventures !
Par Sarah Carbel