La première partie de cet article nous a permis de comprendre les transformations opérées au service de la force de vente. Ces transformations ont un impact direct sur le personnel de vente et sa relation avec le client, son mode de fonctionnement et sa place dans l’écosystème global de l’entreprise. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : pour qu’une telle transformation fonctionne, notamment au niveau des moyens mis à disposition, encore faut-il une logistique et une gestion des systèmes d’information (SI) le permettant.
Quand l’enjeu logistique est celui de maîtriser des points clés de la chaine d’approvisionnement et de distribution, l’approche SI est beaucoup plus large au sens où il s’agit d’un changement complet de paradigme. On passe d’une approche silotée et cloisonnée à une gestion qui vise à fluidifier et faire communiquer les différents systèmes, dans une logique unifiée.
L’entreprise doit adopter une approche omnicanale de sa logistique
L’objectif est de rationnaliser la chaîne d’approvisionnement et la gestion de stock en anticipant au mieux la demande pour pouvoir y répondre de manière pertinente lorsqu’elle se manifeste, et ce sur n’importe quel canal. Pour ce faire, plusieurs aspects doivent être maitrisés :
- Maitrise des stocks
La gestion de stock est un enjeu crucial, puisqu’il est primordial d’éviter les ruptures. On avait tendance à cloisonner les stocks par canal (stocks dédiés au e-commerce ou au Retail par exemple) : on observe désormais souvent la mise en place d’une gestion de stock centralisée afin d’optimiser les ventes sur les différents canaux.
L’utilisation d’un référentiel unifié simplifie aussi la gestion de stock omnicanale. D’autant plus que celle-ci peut être très fine. On voit notamment se développer la mise en place de pickings adaptés (intégrant par exemple les notions de stock réservé ou stock de sécurité), reflétant l’état réel du stock. On voit bien que la donnée a ici une place prépondérante, puisque c’est elle qui permet la prise de décision éclairée.
L’enjeu étant d’ailleurs que les différents systèmes soient synchronisés afin que la donnée soit toujours fiable, qu’il s’agisse de l’exposer directement au consommateur sur un site e-commerce ou uniquement de permettre au vendeur la bonne mise en œuvre d’une stratégie phygitale.
- Maîtrise de l’approvisionnement
Une gestion de stock efficace ne va pas sans une chaîne d’approvisionnement fluide et réactive. Cela passe par une bonne prévision de la demande, pour avoir de bonnes propositions de commandes, mais pas uniquement. Là encore, il est primordial d’avoir une vue en temps réel sur les différentes « étapes » d’approvisionnement, et sur la marchandise qui va réellement être livrée ainsi que sa provenance.
L’omnicanal permet en effet, si la gestion est assez fine, de fonctionner au plus près du flux tendu et de prioriser la demande. Ceci est d’autant plus important qu’on voit se développer des actes d’achats décorrélés du décrément de stock, par exemple une commande e-commerce récupérée à J+3. Une gestion fluide de l’approvisionnement permet donc de prioriser les demandes, et de répondre au plus grand nombre. Mais l’enjeu ici est aussi celui d’apporter de la valeur au client final. Répondre à la demande ne veut pas uniquement dire avoir la marchandise en stock.
La responsabilité des marques est aujourd’hui l’un des critères de valeur les plus scrutés par le consommateur, on comprend pourquoi la traçabilité (et surtout la capacité à la restituer au consommateur) est devenue une préoccupation prépondérante dans le secteur du Retail. Une visibilité en temps réel sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, la collecte puis l’intégration de la data fournisseur dans les systèmes d’information interne permet de diminuer l’opacité des opérations et ainsi garantir la transparence au client final.
Là où il peut s’agir d’une obligation légale (par exemple en ce qui concerne la boucherie dans la grande distribution), certains acteurs n’ont pas attendu pour exploiter pleinement les potentialités offertes par une telle visibilité. Là encore, la marque Etam peut être considérée comme l’une des pionnières en la matière, puisqu’elle a mis en place dès 2020 un système de QR codes sur l’étiquette des produits (80% de l’offre lingerie est concernée) qui permet au client final, lorsqu’il le scanne via son smartphone, un accès direct et instantané à la vidéo et aux informations de l’usine dans laquelle le produit a été fabriqué. Des initiatives dans le Secteur de la Mode sont d’ailleurs en cours de développement, Maje ayant concédé récemment qu’ils travaillaient à l’élaboration d’une technologie similaire.
- Maîtrise de la demande
Afin de maitriser la chaîne d’approvisionnement, il est essentiel de maitriser la demande, qu’elle soit immatérielle (comme vu précédemment) ou que ce soit en termes de produits ou de volumes, et ce peu importe le marché. Concernant les produits, les tendances étant par nature volatiles, et différentes selon les marchés (notamment à cause des différences culturelles), il est important de connaître son marché pour pouvoir s’approvisionner en conséquence dans des délais raisonnables. Concernant les volumes, de nombreuses solutions (certaines basées sur l’intelligence artificielle) permettent, via un traitement des historiques intégrant différents paramètres (événements exceptionnels, saisonnalité …), d’avoir des prévisions de ventes fiables et assez fines.
Ceci dans un objectif double ; à la fois permettre la bonne prise de décision concernant l’approvisionnement global, mais aussi concernant le canal de vente à favoriser. L’omnicanal consiste effectivement à optimiser ses ventes sur différents canaux, et à les faire fonctionner, de façon fluide, entre eux pour permettre au consommateur de passer de l’un à l’autre. Mais il ne s’agit pas forcément d’exploiter de manière similaire et indifférenciée ces différents canaux. Tout l’enjeu repose sur la personnalisation et la différenciation, même dans le cadre d’une stratégie omnicanale unifiée.
- Maîtrise du consommateur
Comme vu précédemment, la place du consommateur redevient centrale dans le nouveau rôle de la force de vente. Quand la gestion de la supply et des stocks agissent comme facilitateurs, c’est bien, in fine, la connaissance du consommateur et la capacité à lui faire des recommandations personnalisées et à optimiser son parcours client qui font la différence.
Mais au-delà de la donnée client (habitudes de consommation, informations personnelles …), qui doit être collectée, restituée et exploitée au plus juste, l’enjeu est aussi d’améliorer l’expérience client grâce aux moyens techniques mis à disposition. Ainsi, on voit par exemple se développer des solutions de paiement sur tablette, de commandes en magasin (dès lors que le produit est en rupture mais disponible sur d’autres canaux, d’où l’importance d’une gestion de stock centralisée), ou encore de cabines virtuelles.
Les Systèmes d’Information : « chefs d’orchestre » de l’implémentation d’une stratégie omnicanale
On voit bien ici l’importance des SI : de la grande distribution à l’industrie du luxe, l’engagement des Directions des Systèmes d’Information est crucial dans la réussite des stratégies omnicanales et ce pour tous les acteurs du Retail.
C’est notamment ce qui explique que les projets SI dont l’objectif est d’optimiser les processus métiers et/ou techniques afin d’accélérer le traitement de l’information et ainsi répondre de manière plus adaptée aux besoins clients soient actuellement légion dans le monde du Retail. On observe ainsi de manière croissante des projets d’ERP (entreprise resource planning, par exemple NetSuite, dont l’éditeur est Oracle). Lesquels étant plus ou moins complets, ils sont souvent complétés par la mise en place de WMS (warehouse management system, tel que SAP ou REFLEX par exemple), d’OMS (order management system, à l’instar de SALESFORCE) ou encore de TMS (transport management system, par exemple LIS ou ANDSOFT).
Même si les outils ne sont pas uniques, l’enjeu est bien de pouvoir les interfacer afin qu’ils communiquent entre eux en temps réel et permettent ainsi une visibilité globale sur un front unifié à destination notamment de la force de vente. Au-delà de l’efficacité technique des systèmes d’information, c’est bien leur capacité à fonctionner de concert et à se synchroniser qui permettra de collecter, distribuer puis restituer la bonne donnée de bout-en-bout, au bon moment, et ainsi permettre la bonne prise de décision par tous les acteurs concernés, du vendeur au consommateur.
En effet, les moyens mis à disposition doivent servir de facilitateurs, et non perturber la force de vente. C’est aussi pour cela que le rôle des DSI ne s’arrête pas à la mise à disposition de tels moyens. Le service clients prend d’autant plus d’importance qu’il est nécessaire que la force de vente maitrise tous les outils à sa disposition (d’où l’importance de l’implication du métier dans la conception des écrans) et qu’elle puisse résoudre rapidement d’éventuels problèmes techniques. Un réel accompagnement bout-en-bout doit être mis en place afin d’exploiter pleinement les potentialités offertes par les moyens techniques mis à disposition.
La Paris Retail Week était d’ailleurs l’occasion de découvrir nombre de solutions, à l’instar de la solution de commerce unifié « Octave Unit »’, un ERP de gestion commerciale permettant une gestion de stock centralisée, un référentiel unique grâce à des outils de PIM, auquel sont intégrés des interfaces digitales (e-commerce et mobilité vendeur), une caisse pour les points de vente et de nombreuses fonctionnalités propres au Retail et/ou au digital (par exemple des outils de CRM ou de reporting opérationnels et décisionnels).
L’attractivité de ce genre de solutions est qu’elles permettent tout à la fois de :
- Accompagner la transformation du rôle du vendeur, en mettant à sa disposition des moyens d’être plus efficaces, à la fois dans la pratique au quotidien (gestion des livraisons, des commandes, des inventaires …) et dans la relation client (avoir un bon niveau d’information).
- Faciliter la gestion unifiée et décloisonnée du système d’information, pour le rendre plus cohérent et mieux répondre aux différents besoins métiers.
- Fluidifier le parcours client, qui devient décloisonné et optimisé
Par Léa Veryepe