Qu’est-ce qu’une marque masstige ?
Le terme masstige (contraction de « mass » et « prestige ») désigne des marques qui combinent l’accessibilité du mass market avec l’aspiration au luxe. Elles proposent des produits de qualité légèrement supérieure, souvent inspirés du luxe, mais à des prix plus abordables. L’atmosphère du point de vente, le style du produit et toutes les variables de représentation physique de la marque sont développées soigneusement et de façon à surélever sa perception. Ce positionnement séduit une clientèle désireuse de consommer des produits premium sans payer le prix fort du luxe traditionnel.
En France, plusieurs marques incarnent parfaitement cette approche, notamment Sephora, Maje, Sandro, Claudie Pierlot, L’Occitane, Dyson, Sézane et The Kooples.
Les leviers de différenciation des marques masstige
Les marques masstige ont su imposer un positionnement hybride en mêlant habilement les codes du luxe et du mass market. Pour se démarquer et séduire un large public en quête d’accessibilité sans compromis sur l’image et la qualité, elles s’appuient sur plusieurs leviers stratégiques :
- Un branding soigné et aspirationnel : identité visuelle élégante, storytelling émotionnel et collaborations avec des créateurs ou des égéries influentes pour renforcer leur dimension premium.
- Une expérience en magasin immersive : boutiques théâtralisées, matériaux nobles et ambiance sensorielle soignée, comme chez Dyson ou Rituals.
- Innovation et qualité produit : investissements en R&D pour offrir des produits à forte valeur ajoutée, comme des cosmétiques clean ou des technologies innovantes, à l’image de l’Occitane.
- Une distribution omnicanale maîtrisée : présence sur les points de vente physiques, e-commerce et marketplaces tout en préservant une image premium, comme The Kooples ou Maje.
- Une stratégie de prix intelligente : positionnement tarifaire accessible tout en conservant une perception premium, avec des collections capsules pour renforcer l’exclusivité, comme Zara Studio.
- Communication rayonnante : stratégies digitales soignées, marketing d’influence et storytelling engageant, à l’instar de Sézane, qui privilégie l’émotion et l’exclusivité.
Résilience face à la crise : ces marques sont-elles épargnées ?
La crise économique et l’évolution des comportements d’achat ont profondément transformé le paysage du retail. Tandis que le marché du luxe et celui du mass market subissent des fluctuations, les marques masstige semblent mieux résister à ces turbulences. C’est un positionnement résistant et fondé sur un positionnant hybride qui prend en compte de la montée en puissance du digital et des pratiques plus responsables.
L’essor du digital joue un rôle déterminant dans la capacité des marques masstige à s’adapter. En investissant dans des stratégies DTC (direct-to-consumer), elles entretiennent un lien direct avec leurs clients, optimisent leurs marges et améliorent leur expérience utilisateur. Le commerce en ligne, les réseaux sociaux et les plateformes interactives leur permettent de rester « on top of the mind » des consommateurs.
Face aux attentes croissantes des consommateurs en matière de durabilité, les marques masstige adaptent leur offre en intégrant des matériaux éco-responsables et en favorisant une production plus locale. Cette transition vers une consommation plus éthique leur permet de renforcer leur image de marque et de conquérir une clientèle plus exigeante et soucieuse de l’impact environnemental de ses achats.

Résilience face à la crise : ces marques sont-elles épargnées ?
L’éco-conception reste un domaine central d’innovation et l’enjeu majeur reste donc la production des éléments constitutifs des lunettes, avec une attention particulière portée sur les montures.
- Matières biosourcées : Alain Afflelou, Ecouter Voir et le groupe All (1ère centrale d’achat d’indépendants labélisée Enseigne responsable) ont adopté le bioplastique à base d’une matière dérivée de l’huile de ricin. Lunettes pour Tous, quant à elle, propose une gamme fabriquée à base de fibre de coton bio
- Matières recyclées : Ecouter Voir explore également cet approvisionnement avec l’acétate recyclé, tandis qu’Atol et Optic 2000 (Label Enseigne Responsable) proposent des montures fabriquées à partir d’un mélange de plastique recyclé et de matériaux biosourcés. Krys s’associe à Levi’s pour allier mode et éco-conception et Alain Afflelou travaille une gamme de Solaire, H20, à partir de bouteilles plastiques (5 bouteilles pour une monture).
Toutes ces gammes sont fabriquées dans des usines en France, notamment dans le Jura, cœur historique de la lunetterie française.
Au-delà de toutes ses initiatives d’écoconception, la gestion de fin de vie des lunettes reste balbutiante. On estime à 100 millions le nombre de paires de lunettes qui dorment dans les tiroirs des Français. Les initiatives de recyclage se développent doucement : le programme RecycOptics pour les indépendants, ou la collaboration de la Fondation Krys Group et Terracycle qui permet le recyclage des lunettes en tapis de jeux pour enfants.
Car aujourd’hui, s’il existe bien une économie circulaire, la collecte des lunettes et des verres de présentation se destine plutôt à un marché de seconde main à des fins humanitaires via l’association Médico Lions Club. Seul, Krys a noué un partenariat avec Seecly, une marketplace de montures reconditionnées, en lui fournissant les verres.
Comment les marques masstige peuvent assurer leur pérennité ?
Les marques masstige ont su s’imposer comme un segment stratégique entre le luxe et le mass market, capitalisant sur une image premium tout en restant accessibles. Si elles semblent mieux résister aux crises économiques et aux mutations du retail, elles doivent néanmoins faire preuve de vigilance pour ne pas compromettre leur ADN ni se laisser entraîner dans des stratégies précipitées qui dilueraient leur positionnement.
1. Préserver l’essence de la marque : un positionnement maîtrisé
Les marques masstige doivent résister à la tentation d’un repositionnement opportuniste qui les éloignerait de leur cœur de métier. L’équilibre entre accessibilité et aspiration doit être constamment réévalué afin d’assurer une cohérence perçue par le consommateur. Une montée en gamme trop marquée ou, à l’inverse, une politique de prix trop agressive pourrait brouiller leur image et diluer leur valeur perçue.
2. Maximiser les points de contact pour clarifier le positionnement
La cohérence de la communication et des canaux de diffusion est essentielle pour asseoir l’image de la marque. En diversifiant leurs points de contact – digital, retail physique, collaborations stratégiques – les marques masstige doivent s’assurer que chaque levier soutient leur identité et renforce leur ancrage dans l’esprit des consommateurs. Les plateformes sociales, le e-commerce immersif et les activations phygitales doivent être exploités pour maintenir un lien fort avec leur clientèle.
3. Ne pas succomber à une expansion précipitée : des actions mesurées et guidées
L’un des pièges du succès rapide des marques masstige est la volonté d’aller toujours plus loin, plus vite. Or, chaque initiative doit être alignée sur les objectifs stratégiques initiaux de la marque. Une expansion incontrôlée (diversification excessive, ouverture de nouveaux marchés sans étude approfondie, collaborations non alignées) risque d’entraîner une perte d’authenticité et de crédibilité. L’évaluation continue des actions engagées est donc primordiale pour assurer une croissance maîtrisée et pertinente.
4. Investir dans le retail physique comme un outil de storytelling
Le magasin physique ne doit plus être perçu comme un simple point de vente, mais comme un véritable point de rencontre entre la marque et son public. L’expérience en boutique doit raconter une histoire et immerger le client dans l’univers de la marque à travers une scénographie soignée, des matériaux nobles et une mise en scène réfléchie. L’exemple de Dyson, avec ses showrooms interactifs, illustre cette tendance où le retail devient un média à part entière.
5. Miser sur les expériences en réel pour ancrer l’attachement à la marque
Dans un monde de plus en plus digitalisé, les expériences « in real life » prennent une importance capitale. Pop-up stores, événements exclusifs, ateliers immersifs ou collaborations avec des lieux culturels permettent aux marques masstige de renforcer leur capital émotionnel et de fidéliser leur clientèle. Ces expériences, en créant un sentiment d’exclusivité et d’appartenance, participent à la valorisation de la marque et à son rayonnement.
6. Travailler des collections capsules et collaborations stratégiques
Les capsules limitées et les collaborations avec des créateurs ou des artistes influents permettent d’entretenir la désirabilité et de stimuler la perception premium des marques masstige. Ces opérations génèrent de l’engouement, renforcent l’image d’exclusivité et créent un effet de rareté recherché par les consommateurs. À l’image de Sézane ou de Zara Studio, ces approches doivent être soutenues par une communication bien calibrée pour maximiser leur impact.
7. Maintenir un investissement constant dans l’esthétique et l’émotionnel
Enfin, l’un des piliers fondamentaux du succès des marques masstige réside dans leur capacité à valoriser le « beau ». Qu’il s’agisse du design des produits, de l’architecture des boutiques, du packaging ou de la communication visuelle, l’attention portée aux détails est un facteur clé de différenciation. L’investissement dans une direction artistique soignée et cohérente avec les codes du luxe doit demeurer une priorité afin de préserver la valeur perçue et d’alimenter le désir autour de la marque.
Les marques masstige ont su tirer parti de leur positionnement hybride pour s’imposer comme des acteurs incontournables du retail moderne. Toutefois, leur résilience face aux crises ne doit pas les conduire à l’autosatisfaction ni à des prises de décisions impulsives. En restant fidèles à leur essence, en investissant intelligemment dans leur présence physique et digitale, et en cultivant l’exclusivité par des collaborations et des expériences immersives, elles pourront consolider leur statut et garantir leur pérennité sur un marché en perpétuelle mutation.
Par Ghalia Boustani